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Alléluia pour l'École nationale des arts

Le 2 décembre 2013, l’École nationale des arts (Enarts) a accueilli sa nouvelle promotion d’étudiants. Placée sous la tutelle du ministère de la Culture, elle est l’unique école d’art du pays. Quoique manquant de moyens, les étudiantes et étudiants font en sorte que chaque jour soit une fête et ne ratent pas l’occasion de partager ce sentiment.

Quelques étudiants de l'Enarts
Quelques étudiants de l’Enarts

Jeudi 6 février.  Même décor, à la rue Monseigneur Guilloux. Dans la promiscuité des passants qui vont et viennent à un rythme irrégulier, des librairies à même le sol, des marchandes de fritures et des chauffeurs de taxi, certains étudiants de l’École nationale des arts se réunissent au gré du hasard pour s’offrir un après-midi rythmé de battements de tambours. Détrompez-vous ! Il ne s’agit pas de carnaval, ni de ces activités périodiques organisées par des institutions, dans un cadre formel. Des étudiants se réunissent, en un après-midi surchauffé, comme la pluie se décide à tomber ou pas, en plein soleil.

L’art est dans la rue

Il n’est pas encore 4h de l’après-midi quand Etzer, professeur d’arts plastiques, Junior et Kebyesou décident de traîner derrière eux tambours, tchatcha et autres instruments afin d’offrir un concert en plein air, en pleine rue. La culture est dans la rue, pensent certains, et les étudiants le prouvent si bien. Ils laissent les murs fermés de l’école et s’installent devant la porte d’entrée.

Bientôt des étudiants de la faculté d’ethnologie rejoignent le cercle. La tension monte. Et les tambours se font de plus en plus percutants. Comme on le sait, les Haïtiens sont sensibles au son du tambour. Et c’est Jean Price Mars qui le dit lui-même : «l’Haïtien est un peuple qui danse, qui chante… au rythme du tambour». Soudain, les passants rejettent leur statut de passant. Pour  prendre part au concert improvisé. Certains tapent les mains, d’autres ont su trouver je ne sais où des instruments. Les tchatcha se partagent et se départagent, et les tours de jambes aussi. Les chauffeurs de bus ralentissent pour jouir même quelques secondes de la partie. Les libraires des trottoirs abandonnent leurs livres. Les marchandes dansent. Chantent. Bougent. Au gré du son des tambours. Le samba Billy, un étudiant finissant, tchatcha en main, rythme la partie de sa voix. Il entonne des chansons traditionnelles du registre du vaudou. Tout chante, enchante et laisse sous le pas des spectateurs un doux tangage. La vie est une fête. Les étudiants de l’Enarts l’ont bien compris.

Un mois après l’accueil de la nouvelle promotion de l’École nationale des arts, les cours vont bon train, selon Fedna David, une étudiante en année préparatoire. « J’ai abandonné des études de journalisme pour entrer à l’École nationale des arts et je ne regrette rien. » Cheveux courts, style afro, elle se laisse prendre dans les retentissements des tambours. Mervens et Urbain Jérôme, deux frères qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau, viennent tout droit de Petite-Rivière de l’Artibonite pour faire des études en théâtre à l’Enarts. Ils disent aimer la vie en famille, le sens de partage des étudiants.

Entre-temps, les rythmes changent à une vitesse incalculable. La sueur monte et le plaisir avec elle. Non loin de l’Enarts se trouve l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (Hueh). Des gens y meurent tous les jours, certes, la situation des malades est déplorable.  Mais dehors, les jeunes ne sombrent pas dans le désespoir. Ils chantent et dansent dans un contraste saisissant.

 

Wébert Charles

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cwebbn

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