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[Nouvelles] Le voisin d'en face (épisode 5)

Les pêcheurs décidèrent de ne plus prendre le chemin de la mer ; ils abandonnèrent barques, nasses, hameçons, cannes à pêches… et restèrent chez eux à ne consommer que du tabac, à aspirer l’odeur de son arôme, à s’emplir la tête de nicotine. Les femmes de pêcheurs prirent l’habitude d’introduire le tabac à l’intérieur de leur bouche, entre la joue gauche et les gencives. La technique était réputée au village pour apaiser la faim, mais aussi pour laisser monter à la tête toute sorte de rêveries et de démences que la peur venait attiser. Les enfants en firent de même. Le village avait pris un nouveau tournant ; à la peur, venaient s’ajouter la faim, la soif et l’oubli des dieux et des ancêtres.

Ceux qui avaient fait bonne cargaison de poissons, de langoustes et d’autres animaux marins, ne tinrent pas une semaine. Les plus économes avaient épuisé leur stock en le partageant avec ceux qui n’en avaient plus. Et nous en fîmes de même avec le tabac, l’eau, le sel, le sucre… et tout ce qui pouvait nous nourrir. Mais, il n’était pas question que les hommes reprissent le chemin de la mer…
La faim, devenant de plus en plus intense, les femmes songèrent à fuir Sans-soucis. Traverser la forêt immense, les bayahondes, les plantes de cactus qui les séparaient du village voisin, 10 kilomètres plus loin. Mais les villageois d’à côté nous prendraient sûrement pour une colonie de lépreux et nous tueraient avant que leur village ne soit contaminé. Nous l’avions tous compris. Et le seul espoir qu’il nous restait fut d’invoquer nos ancêtres franginen, les dieux des eaux, de l’air et de la terre, ou suivre les consignes de l’Oncle.

— A suivre

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cwebbn

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