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Les Prix littéraires ou mémoire d’un écrivain maudit

Cette semaine ouvre la saison des prix littéraires en France. Les Prix Goncourt et Renaudot ont été attribués respectivement à Pierre le maitre (Au revoir là-haut) et à Yann Moix (Naissance) qui ont reçu avec beaucoup d’enthousiasme la proclamation des résultats. Cependant, ces prix, a-t-on envie de se demander, récompensent-ils des écrivains ou des éditeurs ?

 

Prix Machin 2013De l’or pour les éditeurs et du plomb pour les auteurs

Pour parodier le titre d’une Lodyans (les européens diront Nouvelle, quoique ce n’est pas la même chose, mais vaut mieux être près du paradis que d’être en enfer), je disais pour reprendre le titre d’un texte de Georges Anglade, « de l’or pour mes amis et du plomb pour mes ennemis », on dira que les prix littéraires semblent profiter davantage aux éditeurs qu’aux écrivains, du moins sur le plan économique.

Un contrat d’édition est ce qu’il y a de plus compliqué pour un écrivain qui vient de passer 2 ans à écrire son premier roman. S’il a de la chance ou du talent (je ne dirais pas autre chose, surtout pas de l’audace) pour se voir publié chez Galli-mars, il aura 7% sur la vente de son roman. S’il publie son roman chez Crasset, il pourra avoir 10 %. Restons aux deux matons de l’édition littéraire en France. Dans tous les cas notre auteur, lui, il acceptera, car pour lui, ce n’est pas le pourcentage qui compte, allez savoir quoi.

Son roman (essayons d’être créatif), Au retour des bêtes sauvages, fait 400 pages. Après une année d’aller-retour (correction, relecture, BAT…), ce qui fait déjà 3 ans, son éditeur sort enfin son roman pour la rentrée littéraire. Annonces, bandeau (pas encore rouge), vente signature, interview, radio-télé, émission la Glande Librairie. Notre écrivain fait des rencontres, regarde vendre son livre et ne pense même pas à ses 7%. Dans la plupart des cas, il a déjà reçu un à-valoir.

Au début du mois d’octobre, les Prix littéraires entrent dans le cercle. Son roman, Au retour des bêtes sauvages,  est sélectionné par le Prix de l’Académie Con-court ou le Renandos. Il attend. Rêve. Et espère. Son éditeur aussi (hypothèse H1 : Pas de corruption dans le meilleur des mondes possibles, personne ne connait à l’avance les résultats).

Deuxième sélection. Il est toujours là. Du moins, il est dans une liste. Attente, rêve et espérance deviennent plus forts. Entre-temps son éditeur n’espère pas, du moins il espère moins, car il vend. C’est déjà mieux.

Début novembre, il obtient le prix Con-court. Il ne court pas. Il est déjà embarrassé de journalistes. La rue n’est plus libre. S’il lui arrive de courir, c’est dans sa salle de sport, sur une machine automatique. Il fait des interviews, on le critique sur internet. Les médias non-contents lui font la guerre.

Il reçoit son chèque. 10 €. Un prix littéraire !  Beaucoup moins que ce qu’il avait gagné dans un concours de nouvelle à l’université, adolescent. Son éditeur vend, revend, entre 200 000 et 500 000 exemplaires. Lui, il a déjà reçu des à-valoir, notre écrivain. Il gagne quelque chose quand même si l’on multiplie 200 000 par 7% (14 000 exemplaires, à 20 €). Il achète une maison, il déménage. Son éditeur, entre-temps gagne 3 millions d’euros. Oui, il les sépare avec les libraires et son imprimeur. Mais les millions ne s’épuisent pas facilement. Fifty-fifty. 1 million pour chacun ?  Chacun se débrouillera avec l’Etat. Voilà. Mais notre jeune auteur rentre chez lui, dans son nouvel appartement et se remet à écrire avec les 2 000 € qu’il lui restent. Son éditeur se dit : il n’aura pas le prix l’année suivante. Je publie un autre auteur. Mais, je lui donne quand même un contrat à long terme. Il ne travaille pas. Du moins ne travaille nulle part. Il écrit, fume et devient alcoolique puis les journalistes se moquent de lui. Il se soule et devient un écrivain maudit.

 

WC

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cwebbn

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