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À l'angle des rues parallèles

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Première de couverture de la dernière édition

Les éditions C3 viennent de prendre une bonne décision en rééditant le roman de Gary Victor, « A l’angle des rues parallèles », qui a reçu en 2003 le prix du Livre insulaire (Ouessant). Non pas parce que bon nombre de lecteurs de l’auteur de « Les cloches de la Brésilienne » considèrent ce roman paru en 2000 comme le chef-d’œuvre de Gary Victor. Certains, plus zélés encore, parlent « du récit le plus inquiétant de notre littérature ». Ce qui est louable dans cette réédition est que C3 semble trouver le but ultime de cette activité –ce qui n’est pas valable pour toutes les rééditions de la maison. On ne réédite pas pour rééditer. La version haïtienne, reprise en 2013 et qui continue à être vendue chez les libraires et via les distributeurs, est malheureusement truffée de fautes typographiques, qui, malgré les talents qu’on reconnaît à l’auteur, n’ont pas manqué de lui valoir certains coups de gueule dans les milieux littéraires. Heureusement que C3 intervient dans ce débat et propose un texte (ce qui n’est pas valable pour le péritexte) soigneusement relu et bien présenté.

« A l’angle des rues parallèles » met en scène Eric, devenu tueur à son propre compte, depuis la réforme de l’administration publique qui lui a coûté son poste. Il ne vit que pour un seul homme. Pour avoir sa peau, son cadavre; le ministre des Finances Mataro qui est censé être le responsable de sa déchéance. Face à cet individu, une arme à la main, il hésite. Il apprendra que les responsables sont nombreux. Et aura par la suite d’autres préoccupations. Entre temps, à Port-au-Prince, les miroirs deviennent aveugles. Les écritures s’inversent et les rues sont emplies de mouches. Va-t-il changer de vie après avoir fait la connaissance d’une pute de Pétion-Ville, Marjorie, violée par la statue de saint Pierre ? Aura-t-il le courage de venger son cousin, le poète Anastase retrouvé mort un matin à l’angle de deux rues parallèles, laissant derrière lui un recueil de poèmes comme une réponse au monde décadent ? Tout reste donc à découvrir.

« A l’angle des rues parallèles » est le roman de toutes les folies possibles. Du dépassement de l’univers même des grands romans fantastiques classiques. Un voyage au-delà de toute vraisemblance et de tout réel. Les miroirs qui deviennent aveugles, n’est-ce pas un refus de la théorie du reflet de Stendhal pour qui le roman est « un miroir promené le long du chemin » ? Un roman dont on sort totalement bouleversé. Happé par le temps, l’espace et le réel.

Wébert Charles

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