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Entrer dans le poème

Faubert Bolivar
Faubert Bolivar

«Aime-t-on
Avec sa carte d’identité
Son cœur gauche
Son cœur droit
De quelle couleur
Est donc l’amour ?»

Quand tu prends un livre et tu l’ouvres sur ce poème, un peu par hasard, tu te dis : Boutures ! Comme d’autres disent Bordel ! Tu refermes le livre. Tu sautes sur la première de couverture. Tu regardes là-haut. Le nom de l’auteur : Faubert Bolivar. Et tu te dis que Faubert est aussi poète. Aussi, non pas parce qu’il a reçu récemment la mention spéciale du prix Deschamps pour une pièce de théâtre ni le prix Marius Gottin de la Caraïbe. Mais parce que tu as vu quelques représentations, ou parce que tu as lu clandestinement une de ces pièces par l’entremise d’un ami. Oui, les textes voyagent la nuit ! Et tu rouvres le livre. Tu lis, avec la ferme conviction de découvrir quelque chose. Tu entres dans le livre quoique le titre, « Mémoires des maisons closes », ne t’y invite pas. Par quelle porte entrer dans les maisons fermées ? Par infraction ? Par le poème, peut-être. Mais la poésie, n’est-elle pas infraction dans les mots ? Comment entrer dans le poème dans une posture de critique littéraire ? Tout discours sur la poésie n’est-il pas condamné à être poème ? C’est Roberto Juarez qui fit dire à Novalis que la critique de la poésie est une absurdité. Et pour sortir de cette absurdité, il faut entrer dans le poème. Se faire poète.

Le recueil de poèmes que viennent de publier les éditions Bas de page sous le titre de « Mémoire des maisons closes » est un livre que Faubert Bolivar rumine depuis près de vingt-cinq ans. Non pas ruminer dans le sens du ressassement perpétuel de l’œuvre selon Maurice Blanchot, mais ruminer dans le sens de réciter, avec toute une pléiade de poètes. En 1999, la revue Boutures fit paraître dans son premier numéro quelques poèmes de Faubert Bolivar qui deviendront « Marelle ». Des poèmes d’amour, qui disent la beauté des corps (toujours au pluriel) de la femme aimée, rêvée. « Je passerai la nuit […] /à faire l’amour avec tous tes corps ». Un poète qui parle avec « un cœur plein de poussière ».

De A à Z

La deuxième partie du livre, compose, selon l’auteur, en 2006 à Kingston, se veut un jeu. Jeu dans les mots. On entre dans le poème par la structure élémentaire de la phrase : les lettres. Faubert tente un jeu de 26 poèmes qui correspondent aux vingt-six lettres de l’alphabet. Si dans la première partie du livre Faubert joue avec les corps, ici, il s’agit de jeu de sons, d’assonances… qui, pourtant, capte l’attention du lecteur moins que le fait la première partie du livre :

« A l’ombre de la tour
Je dessine des larmes
Des bruits de sel
Pour la poche des voyageurs
Ainsi l’avion ne croît plus
Sans aveu
Qui croque mon pain de chaque jour » (p. 46)

« Grand bois ilé, ilées o… ! » est le titre de la dernière partie du livre publiée en supplément. Ce sont des poèmes dédiés à des hommes et des femmes chers au poète: Iya, Maude, Belou, Nounou, Nono… des poèmes qui parlent tous d’îles, « de toutes les villes » qui ont vu naître l’auteur.

« Mémoires des maisons closes » est un recueil succulent. La chute des premiers poèmes laissent aux lecteurs la possibilité de prolonger le poème, le faire sien, le ruminer, prendre sa place dans les mots, habiter le poème.

 

Wébert Charles

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