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Un livre sur l'histoire du Parlement haïtien

En novembre 2014, a paru sous la coordination du journaliste Lemoine Bonneau un livre de près de 300 pages intitulé « Le Parlement haïtien, deux siècles d’histoire ». Fruit de la collaboration de la constitutionnaliste Mirlande Hyppolite Manigat, de l’historien Claude Moïse et de Lemoine Bonneau lui-même, ce beau livre est d’une grande richesse documentaire et d’analyse.Parlement

Imprimé en grand format, sur du papier glacé, le livre retrace l’histoire du Sénat de la République, de sa création en 1806, au lendemain de l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, jusqu’en 2012. Dès les premières pages, Mirlande Hyppolite Manigat nous rappelle avec fierté que « le pays [Haïti] est le deuxième à avoir brisé les liens coloniaux après les États-Unis en 1776…» et aussi « le troisième pays à s’être donné une Constitution moderne en 1805 », toujours après les États-Unis (17 septembre 1787) et la France (3 septembre 1791). Mais une chose qu’il faut signaler, ce qui a démarqué Haïti de ces deux pays, c’est que la Constitution de 1805 n’avait pas souligné la nécessité du pouvoir législatif en concentrant « toutes les préogatives entre les mains de Dessalines ». Ce n’est qu’après la mort de celui-ci, survenue le 17 octobre 1806, soit exactement le 30 décembre de la même année, qu’une décision a été prise pour élire les premiers sénateurs de la République. Ils seront au nombre de 24, dont Alexandre Pétion, Paul Romain, Étienne Magny, Magloire Ambroise, Guy Joseph Bonnet, Guillaume Manigat…, regroupant des militaires et des civils. Voilà donc dans quel contexte a pris naissance le Sénat de la République, selon Mirlande Manigat.

Dans la troisième partie du livre, l’historien Claude Moïse couvre la période allant de 1930 à 1961, « De la désoccupation au cataclysme duvaliérien ». Dans cette section, le professeur Moïse décrit la résistance du Sénat aux manipulations gouvernementales dans le contexte de l’occupation américaine (1915-1934). L’année 1934, nous dit Claude Moïse, « verra l’hostilité persister et se renforcer entre le pouvoir exécutif et le Sénat. Celui-ci refusera, en effet, de sanctionner des projets de loi vitaux pour le gouvernement, tel le contrat sur le commerce de la figue-banane déposé en novembre 1933 et celui du rachat de la Bbanque mis au point par les Américains et signé le 12 mai 1934 ».

Le long règne des Duvalier a été une période boulversée pour le Sénat. Le monocamérisme de Duvalier a consisté à épurer le Parlement, donnant naissance à ce que Claude Moïse appelle un « Parlement duvaliériste ». Le journaliste Lemoine Bonneau poursuit sur la même lancée au dernier chapitre du livre. « Le Parlement réhabilité (1961-2002)». Cette période nous semble la plus longue, tellement elle est traversée par des bouleversements politiques, avec un pays qui passe d’un régime totalitaire à une « bamboche démocratique ». Si, pour François Duvalier, le Sénat demeurait « le haut lieu de la conspiration politique contre le président de la République » (Lemoine Bonneau), la nouvelle démocratie ne saura s’en accommoder.

L’histoire du Parlement haïtien, principalement du Sénat de la République, peut servir de repère pour raconter l’histoire des régimes politiques haïtiens. C’est ce que  vient nous confirmer ce livre important sur le Sénat qui aura, on l’espère, une grande incidence sur la manière de gérer les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif. Nous souhaiterions qu’un document de ce genre soit également réalisé pour la Chambre des députés, afin que l’histoire du Parlement haïtien soit complète.

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cwebbn

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