Léopold Sédar Senghor, né en 1906, au Sénégal et mort en 2001, en France, est un lecteur cosmopolite, un intellectuel qui savait choisir ses livres.

Tout bon écrivain est admiré pour sa plume. Certains le sont aussi pour leur charisme, d’autres pour leur engagement politique. Mais l’on parle rarement de ce que lisent les écrivains. Oublie-t-on que la littérature est un éternel ressassement ? Tout écrivain, est avant tout lecteur. Dis-moi ce que tu lis, je te dirai quel écrivain tu es.
Senghor, fervent défenseur de la condition des noirs avec ses amis Césaire et Damas, ancien président de la République du Sénégal, et surtout premier Noir à être admis à l’Académie française, a été un homme cultivé. Un lecteur humaniste, pour ne pas dire cosmopolite. À la suite d’un voyage à Dakar, nous avons pu visiter la maison de cet homme de lettres, devenue récemment le Musée Senghor. Le guide, un ancien soldat de l’armée sénégalaise, le buste droit, la rigueur au bout de la langue, nous fait visiter la maison, où règne une paix intérieure, celle surement recherchée par l’ancien président pour son pays.
Ce qui surprend tout observateur curieux à la vue du bureau de Léopold Sédar Senghor est la variété de livres qu’il détenait. Des livres de tous les genres, de tous les pays ; une bibliothèque-monde, soigneusement garnie. Des livres d’auteurs haïtiens ou sur Haïti comme les deux tomes d’Histoire illustrée de la littérature haïtienne de Pradel Pompilus et Raphaël Berrou, d’un livre d’Émile Roumer sur Carl Brouard, et le fameux livre de René Depestre, Bonjour et Adieu à la négritude. Sur sa table de travail, un livre, un peu jauni par le temps est posé à droite de sa chaise. Un livre dont les pages semblent fondre au touché. Sans doute son livre de chevet : un dictionnaire illustré de langue française. Senghor, académicien de son état, était un amoureux de la langue française. Un puriste, « un petit français », comme l’appellent avec un certain air de dédain certains sénégalais. Senghor considérait la langue française comme un outil qui permet à l’Africain d’accéder à l’universel, de faire partie de cet universel. Il n’a jamais cesser de perfectionner le français. En témoigne, ce livre posé sur son bureau.

En parcourant les rayons de sa bibliothèque, rangée plus ou moins selon l’origine de l’auteur, on constate des livres sur la philosophie, comme le livre de Marcien Towa titré Essai sur la problématique de l’Afrique actuelle (1971), le livre Jean-François Revel, Pourquoi des philosophes suivi de la cabale des dévots ou celui d’Alexis Kagame, La philosophie Bantu comparée (1970). Des dictionnaires de mythologie, des livres sur l’administration publique, sur la religion et surtout des recueils de poèmes (même en chinois) ou des livres critiques sur la poésie.
Longtemps accusé par ses compatriotes d’avoir négligé la religion musulmane au profit de la religion catholique, Senghor plaçait ses livres sur Thérèse d’Avila aux côtés des livres sur l’islam. On y trouve des livres comme La pensée islamique et le monde moderne, Connaître l’islam, le personnalisme musulman et même un livre intitulé Séminaire islamo-chrétien…
La bibliothèque personnelle de Léopold Sédar Senghor témoigne de son universalisme, de son pacifisme, de son amour pour l’Afrique et la langue française, et aussi de sa passion pour la poésie.
Commentaires