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Kettly Mars revient à la nouvelle

Il est rare que les écrivains reviennent à ces genres dits mineurs (poésie, nouvelle, conte), considérés souvent à tort comme des tremplins servant à accéder au roman. Kettly Mars, romancière dont la célébrité et le talent ne sont plus à démontrer après vingt ans de carrière, revient à la nouvelle en publiant chez C3 éditions deux recueils : « Laquelle de nous était Eurydice ?» et « Et tant pis pour la mort» 

Kettly Mars (c) Le Nouvelliste
Kettly Mars
(c) Le Nouvelliste

Paru dans la collection « zuit » sous la direction du romancier Gary Victor, « Et tant pis pour la mort » est un petit recueil de quatre nouvelles qui reprend les grands thèmes chers à Kettly Mars avec ses propres parfums et couleurs. La nouvelle éponyme qui débute le livre se passe dans un petit village retiré de la capitale. Retiré du monde. Port-au-Vent, comme Port-à-l’Ecu d’Emile Ollivier dans son roman Passages, n’est pas Port-au-Prince, ni son reflet. C’est un village imaginaire où les gens vivent au bord de la mer, avec leurs préjugés, leur haine mais aussi et surtout l’amour de la famille, cet orgueil cornélien qui a fait le succès de l’auteur d’Horace.

Ezéchiel, le protagoniste de la nouvelle, revient dans son village natal après douze ans d’absence passés à faire ses études dans des universités américaines. Il s’est fait accompagner de son épouse Malory, « femme aux yeux verts » et à la peau blanche. Tout le village est ébloui par la présence de cette créature étrange, cette blanche aux cheveux longs qui arpente les rues de Port-au-Vent avec son mari les jours de messe. Une blanche. Un objet intouchable, pour les villageois. Et le pêcheur Bébo l’avait compris. Il ne fallait pas toucher la blanche d’Ezéchiel, même si elle lui coure après tous les matins au bord de la mer, près de son bateau. Bébo ne put toutefois s’empêcher de laisser Molory tomber dans son bateau, dans ses bras et lui faire l’amour dans le déroulement infini de la mer de Por-au-Vent. Ils font l’amour, jusqu’au jour où le père d’Ezéchiel, Clervil, les surprend et que son sang gicle sous les coups de machette de Clervil. Mais que peut le pêcheur, sinon que se regarder mourir ? Que faire ? Mais tant pis pour la mort…

Les trois autres nouvelles du livre sont moins sombres que la première. Kettly Mars y parle des milliers d’Haïtiens qui rêvent tous les jours de fuir le pays, cet enfer (L’antichambre du paradis). Il est aussi question d’homosexualité, de ce mal de vivre son corps comme on l’entend. Dans la nouvelle «Barbie blues», Alexandre vit mal sa sexualité. Informaticien de talent employé dans une grande boîte, il rêve de culottes en dentelles et de rouge à lèvres. Il est désespéré, jusqu’au jour où il rencontre Antoine dans un supermarché qui tombera amoureux de lui.

Les quatre nouvelles qui forment « Et tant pis pour la mort » sont écrites avec un vocabulaire simple, choisi peut-être par l’auteure. Les lecteurs des grands romans de Kettly Mars ne se retrouveront peut-être pas dans cette écriture légère, mais l’auteure vise par là même à satisfaire un public plus large, qui fera le déplacement pour venir la voir au Parc Historique de la Canne à Sucre les 19 et 20 juin 2014. Un public de jeunes, d’apprentis lecteurs qui trouveront dans ces livres la porte d’entrée qui mène au nirvana de l’univers romanesque de l’auteure.

 

Wébert Charles

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