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Il y a 50 ans, Jean-Paul Sartre refusait le Prix Nobel de littérature

Le 22 octobre 1964, l’Académie suédoise octroie le prix Nobel de littérature à l’éminent écrivain et philosophe français Jean-Paul Sartre. Dans une lettre publiée le lendemain même au journal Le Figaro, il rejette cette distinction pour des raisons qu’il dit « personnelles »  et « objectives ». Retour sur ce premier refus (constant et volontaire) de la plus grande distinction littéraire du monde estimée aujourd’hui à près d’un million d’euros.

Jean Paul Sartre  (c) refletcritique.com
Jean Paul Sartre
(c) refletcritique.com

En 1964, à l’âge de 59 ans, Jean-Paul Sartre était déjà connu à travers l’Europe comme un excellent écrivain, un homme d’action et un penseur rigide. Il avait déjà publié la majeure partie de son œuvre dont « La Nausée »(1938), « L’être et le Néant » (1943), « L’existentialisme est un humanisme » (1945). Et quelques mois avant la remise du prix Nobel pour l’année 1964, le maître à penser de l’existentialisme fait paraître son autobiographie, « Les mots », dans laquelle il fait ses adieux à la littérature.

Dès le début du mois d’octobre de l’année 1964, la rumeur court les rues et salons de Paris, voire même de toute l’Europe, que Jean-Paul Sartre allait sans doute recevoir le Prix Nobel dans quelques jours. Ayant entendu et soupesé le poids de cette rumeur, Jean-Paul Sartre écrit une lettre au secrétaire général de l’Académie suédoise dans laquelle il dit qu’il regretterait de ne pas pouvoir et vouloir recevoir ce prix si jamais on le lui décerne, « ni en 1964, ni plus tard ».  Le 22 octobre 1964, l’Académie suédoise a quand même rendu public le résultat du Prix Nobel de littérature qui fait de Jean-Paul Sartre le 60e lauréat de ce prix. Dans une lettre parue dans Le Figaro, le lendemain de l’annonce du prix, l’auteur de « La Nausée » s’explique sur ce refus. Selon lui, ce refus est d’ordre personnel et objectif : « Mon refus n’est pas un acte improvisé. J’ai toujours décliné les distinctions officielles. Lorsque, après la guerre, en 1945, on m’a proposé la Légion d’Honneur, j’ai refusé bien que j’ai eu des amis au gouvernement. De même, je n’ai jamais désiré entrer au Collège de France comme me l’ont suggéré quelques-uns de mes amis […] Ce n’est pas la même chose si je signe Jean-Paul Sartre ou si je signe Jean-Paul Sartre Prix Nobel. L’écrivain doit donc refuser de se laisser transformer en institution… ».

Jean-Paul Sartre avait aussi horreur de la consécration de l’écrivain de son vivant. « J’ai refusé le prix Nobel parce que je refusais que l’on consacre Sartre avant sa mort », affirmera-t-il plus tard dans une interview accordée au journaliste Florian Bernadat. Nul écrivain vivant ne mérite cet honneur, poursuit Sartre, parce qu’il peut changer de vie, de position idéologique, à tout moment. Il resterait quand même récipiendaire de cette distinction.

A l’ère de la véritable course aux prix littéraires, à l’occasion de cette saison de prix en Europe qui consacre un écrivain ou son œuvre, à l’ère de l’institutionnalisation de l’écrivain, un retour à Jean-Paul Sartre est donc nécessaire. Cinquante ans plus tard, que valent les prix littéraires ?

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Auteur·e

cwebbn

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