Wébert Charles

Le grand effarement

Première de couverture du livre
Première de couverture du livre

J’ai commencé à lire Guy Régis Jr. presque comme tous ses lecteurs, par un livre titré « Ida, Monologue déchet ». Mais, vous dis-je, de mémoire d’homme, jamais sous-titre ne seyait aussi bien à une œuvre. Ce qui m’a un peu empêché de lire ses autres pièces de théâtre. Mais j’ai été particulièrement attiré par le titre « De toute la terre le grand effarement » lors d’un travail avec d’autres collègues critiques pour une communication à Mount Holyoke College autour des « écritures du séisme ».

Les morts sont des étoiles filantes

« De toute la terre le grand effarement » met en scène deux putains anonymes, après l’effondrement du bordel « Bèl Amou » au soir même du mardi 12 janvier 2010. La jeune et la plus âgée sont les seules rescapées de l’écroulement du bordel. Perchées sur un arbre, elles comptent absurdement les étoiles filantes. Ce qui peut, bien sûr, paraître banal. Mais au-delà de la simple idée d’étoiles filantes, la pièce revêt une valeur symbolique. Comme on le sait, au théâtre, rien n’est ornement. Le nombre d’étoiles filantes correspondrait au nombre exact de personnes mortes sous les décombres. À défaut de statistiques officielles convaincantes, car toutes contradictoires, deux putes se proposent de compter les cadavres, en partant des fulgurances, des éteignements… : « Regarde. Regarde. Occupe-toi à compter s’il te plaît. Oublie. Occupe ton esprit. Occupe-toi. Compte s’il te plaît ». (p. 40) Mais que comptent réellement ces deux putains ? N’est-ce pas également le nombre incessant de personnes qui fuient le pays ? : « De ceux qui partent, laissent le pays, nous laissent dans nos misères. On parlait de ceux qui nous laissent » (p. 22) ?

C’est aussi le nombre d’avions transportant l’aide  internationale volant au-dessus de nos têtes, le soir même du séisme pendant que la communauté internationale se déchirait pour le contrôle du territoire.

« Et ceux qui arrivent, viennent par milliers. Tous ces milliers de coalitions, de pays. Ils sont organisés, sont partout. Tous ceux-là, ces étrangers. Nation contre nation pour nous envahir, s’installer, prendre place, rester. Malgré notre affaissement. » (p. 18)

Mais qu’il s’agisse de morts, d’émigrés ou de la communauté internationale, le nombre d’étoiles filantes est « infini ». Les personnages le disent eux-mêmes : « C’est insensé de compter tout ça. Cela prendra trop de temps. Oui, insensé de compter toutes ces fulgurances, ces éteignements. Tous ces passages, ces effilements, on n’en finira pas. » (p. 16)

Toute la pièce semble être un chant funèbre où le jeu (le décompte des étoiles filantes) serait le refrain qui revient incessamment pour finir par un chant prosaïque, dont les courtes phrases laissent l’impression au lecteur qu’il s’agit de paroles à dire, à scander, plutôt qu’à chanter mélodieusement.

Érotisme et tabou

Les deux putains se touchent dans le noir, sensuellement. Ce jeu commence par l’invitation de la jeune à la plus âgée à toucher son corps. La scène se déroule progressivement, passant d’un érotisme voilé à une pornographie assumée. « Laisse ta main. Continue. N’abandonne pas. Touche. Vas-y », réclame fébrilement la jeune jusqu’à ce que ce jeu les amène à une scène où chacun sodomise l’autre avec un gode-ceinture à tour de rôle. Si cette scène, racontée avec cruauté, peut paraître vulgaire, il ne faut pourtant pas se laisser aller à une lecture au premier degré. Avant la scène, la plus jeune et la plus âgée enfilent respectivement des uniformes des armées américaine et française. De telle sorte que cette scène de soumission « partagée » ou de guerre caractériserait la lutte des puissances américaine et française pour le contrôle du territoire.

Publié à Paris en mai 2011 par les éditions « Les Solitaires Intempestifs », « De toute la terre le grand effarement » a été joué au Festival d’Avignon la même année.

 

Wébert Charles


Martin Luther King Sr. : un héros méconnu

Il y a bientôt trente ans, le 11 novembre 1984, mourut le père du célèbre Martin Luther King, à l’âge de 85 ans. Comme son fils, il a le parcours d’un véritable héros, mais la postérité semble être plus reconnaissante à son fils qu’à ce pasteur et militant des droits de l’homme. Retour sur la vie de ce héros méconnu.

Martin-Luther-King-Sr 

Martin Luther King est un nom qui a laissé ses empreintes dans l’histoire de la ségrégation raciale qui sévissait dans certains États des États-Unis, ou dans l’histoire des États-Unis d’Amérique tout court. Mais le nom fait référence au fils -non pas au père- assassiné brutalement un matin d’avril 1968. Si le fils reste et demeure un héros incontestable, prix Nobel de la paix en 1964, son père, moins connu que celui-ci, a également combattu des formes de discriminations sociales bien avant Martin Luther King lui-même.

Né le 19 décembre 1897 en Géorgie, Michael King, devenu plus tard Martin Luther King Sr. est fils d’un métayer de Stockbridge. Il épousa le 25 novembre 1926 Alberta Williams, fille d’un pasteur de l’église baptiste d’Ébenezer à Atlanta. De cette union naîtra Martin Luther King Jr., 3 ans plus tard. Après le décès du pasteur Williams, Martin Luther King père devint titulaire de la paroisse Ébenezer. Homme sévère, vigoureux, il a toujours été intéressé par les droits civiques pour avoir été le représentant de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) à Atlanta.

À l’âge de 19 ans, il entre au collège universitaire Morehouse à Atlanta, le même où son fils allait s’inscrire 25 ans plus tard. Il obtint le diplôme d’enseignement supérieur. Enseignant, il prendra, par la suite, les rênes de la lutte pour l’égalité des salaires des enseignants aux États-Unis. Homme de forte corpulence, il a été parmi les rares Noirs respectés par les Blancs de la Géorgie. Et il faisait même peur à certains.

Son fils, Martin Luther King, raconte dans son autobiographie publiée par Clayborne Carson en 1998, que« [son père] avait décidé de ne plus monter dans les autobus après avoir assisté à certaines brutalités dont des passagers noirs avaient été victimes […] et il avait joué un rôle prépondérant devant les tribunaux pour faire supprimer la ségrégation dans les ascenseurs dits de Jim Crow » (p. 22). En 1976, il joua un rôle significatif dans l’élection de Jimmy Carter à la tête du Parti démocrate qui devient le 39e président des États-Unis d’Amérique le 20 janvier 1977. Et l’on connaît les efforts de ce président dans la lutte contre la ségrégation raciale en Géorgie.

Il ne fait aucun doute que le père de Martin Luther King l’a influencé non seulement dans sa carrière de pasteur, mais aussi de militant pacifique contre la ségrégation raciale. C’est lui-même qui l’écrit : « Devant son exemple [le père], il n’est pas surprenant que j’aie appris, moi aussi, à haïr la ségrégation car je la tenais à la fois pour inexplicable rationnellement et injustifiable moralement ». (p. 22) Martin Luther King Sr. est décédé le 11 novembre 1984 à Atlanta.

 

 

 

Wébert Charles


Les « Corps mêlés » de Marvin Victor

Le premier roman de Marvin Victor, Corps mêlés, paru chez Gallimard en décembre 2010, se veut un livre qui part à l’impossible quête du dialogue, de la parole, si celle-ci ne se replie pas sur elle-même. Un roman publié après le séisme et qui se démarque de ce qu’on a tendance à appeler ici, « les écritures du séisme ».

Marvin Victor (c) page Facebook de l'auteur
Marvin Victor
(c) page Facebook de l’auteur

Si ce livre de Marvin Victor est jusqu’à date le plus beau roman haïtien sur le séisme, c’est peut-être parce qu’il ne parle pas du séisme… Au fait, c’est un roman qui ne parle pas. Qui se trouve entre le dire et le non-dire ; le « dire autrement » comme l’écrit si bien Rébecca Krasner au sujet du roman ou Marvin Victor lui-même.

La production littéraire autour du séisme est déjà abondante, traversant tous les genres : de la poésie au roman  en passant par le théâtre, les écrivains ont usé de formes littéraires pour photographier ce réel macabre, certains dans une sorte de surréalisme ou de fantastique sans mesure. Le roman de Marvin Victor, « Corps mêlés », ne parle pas plus du séisme que du « pays de Baie-de-Henne », d’un premier amour gâché, dont la narratrice tente de retisser les fils ou de sauver ce qu’il en reste.

Ursula Fanon, 45 ans, vient de perdre sa fille Marie-Carmen Fanon, ensevelie sous les décombres de sa maison à « la rue Magloire Ambroise » (sic), un après-midi de janvier, par  « une chose » dont on ne connaît pas le nom. Et la voilà, comme dans une pièce de théâtre, dans le trois-pièces de Simon Madère, vieil amant du temps de son enfance au pays de Baie-de-Henne, père de cette fille morte sous les décombres. Comment annoncer à Simon la mort de leur fille, quand ce dernier ignore totalement l’existence de cette enfant, qui se voue très jeune aux plaisirs de la chair ? Par où commencer ? Faut-il commencer par annoncer à Simon l’existence de sa fille ou sa mort ? Ursula Fanon se trouve déchirée, en proie à un dilemme, cherche une parole qu’elle ne peut en aucun cas extérioriser. À défaut de cette parole, Ursula Fanon voyage, revisite le territoire de son enfance, de sa famille à Baie-de-Henne dans un long monologue intérieur : « C’est au pays de Baie-de-Henne, à mon enfance, à ma jeunesse port-au-princienne que me fait penser cette fin d’après-midi de janvier… » (p. 155), essaiera-t-elle en vain à plusieurs reprises de dire à Simon. Ursula Fanon, contrairement à ce que l’on pourrait penser, a toujours souffert de cette incapacité à parler, qui n’est pas due au choc soudain du séisme ; à une sorte de traumatisme devant tant de corps mêlés, comme si les morts se mettaient soudainement à faire l’amour. Incapacité à parler qu’elle a toujours regrettée. En témoigne l’emploi incessant du conditionnel passé (« aurais-je dû lui dire…» « aurais-je murmuré à Simon »). Elle se bat avec elle-même pour laisser sortir la moindre parole, et quand elle finit par parler, ce n’est que pour prolonger ses souvenirs.

Cependant, il n’y a pas qu’Ursula Fanon qui souffre de cette incapacité de parler. Tous les personnages de « Corps mêlés », fuient toute possibilité de dialogue. Simon Madère ne répondra à Ursula que par le silence ou par un simple geste. Cette incapacité de traduire ses sentiments, Rebecca Krasner, dans un article publié dans le 4e numéro de la revue Legs et Littérature (Traduction, réécriture et plagiat), l’appelle « réflexivité ». Est-ce cette quête d’un moyen de se faire comprendre qui pousse la narratrice à faire de longues phrases périodiques, qui se retournent sur elles-mêmes, un peu à la Marcel Proust ou Marie N’diaye ? La technique employée par Marvin sied parfaitement à l’état d’esprit d’Ursula Fanon. Voilà, entre autres, le grand mérite de Marvin Victor, si ce n’est d’avoir fait un roman dans lequel il s’est totalement effacé, une écriture féminine qui ne laisse en aucun cas croire qu’il existe une main invisible, masculine derrière tout cela, réfutant un peu la thèse de la critique féministe laissant croire que « toute écriture est marquée par une identité sexuée ». (Lucie Robert)

Wébert Charles


Yanick Lahens : « la littérature est l’espace de déploiement de la complexité par excellence »

Le dernier roman de Yanick Lahens, « Bain de lune », en lice pour le prix Fémina 2014, nous emmène à Anse Bleue et raconte l’histoire de ces petites gens de campagne entre haine, plaisir et enchantement… Entretien avec l’auteure sur ce coup de cœur de la rentrée littéraire en France. 

Yanick Lahens (c) Dieulermesson PETIT FRERE
Yanick Lahens
(c) Dieulermesson PETIT FRERE

Le Nouvelliste : Yanick Lahens, votre nouveau roman, Bain de lune, est sorti ce mois de septembre chez Sabine Wespieser, un an après Guillaume et Nathalie qui a connu un vif succès. Comment s’est fait le passage de ce roman à Bain de lune ?

Yanick Lahens : Bain de Lune a paru en 1999 sous forme de nouvelle dans La petite Corruption. Depuis lors, j’avais envie de lui donner de l’ampleur. La couleur de l’aube et Bain de lune sont des textes qui m’ont demandé du temps. Failles et Guillaume et Nathalie sont des textes que j’ai écrits assez vite, l’un dans l’urgence, l’autre en me laissant mener un peu par le récit. J’ai arrêté Bain de Lune en avril 2013 pour écrire Guillaume et Nathalie. Et je l’ai repris après en novembre 2013. J’avais plusieurs fers au feu. Chaque texte suit sa propre vie, je présume.

L.N : C’est un roman sur la paysannerie haïtienne. Pensez-vous que Jean-Baptiste Cinéas, Jacques Roumain et Edris Saint-Amand n’ont pas tout dit des mœurs paysannes en Haïti ? Pourquoi un tel choix à l’heure de l’urbanisation du roman haïtien ?

Y.L : D’abord, aucun des thèmes qui intéressent l’humanité n’est à ma connaissance épuisé en littérature. Sinon pourquoi a-t-on écrit après Sophocle, Platon, les manuscrits de Tombouctou au Mali ou Le dit de Genji au Japon du 13e siècle, même depuis les Sumériens en Mésopotamie qui, huit siècles avant Jésus-Christ, parlaient déjà de politique avec Galganesh. Pourquoi écrire sur l’amour après Phèdre ou Paul et Virginie, Shakespeare ou Marguerite Duras. On aurait dû s’arrêter depuis longtemps. On continue parce que rien n’est jamais indépassable en littérature, en musique ou en peinture. On écrira encore beaucoup d’histoires sur la famille, la ville, les paysans, l’amour, la mort, la politique.

Donc à mon avis, et c’est mon deuxième point, ni Jacques Roumain malgré son immense génie, ni Saint-Amand malgré le sien tout comme Cinéas n’ont épuisé le sujet de la paysannerie. Le penser, c’est sous-entendre de plus à tort, que la paysannerie est un tout figé, un magma immuable qui n’a pas bougé depuis, imperméable à l’histoire et qui ne fait pas l’histoire. Que sur elle tout a donc déjà été écrit. Pour moi c’est une aberration de le penser. C’est la chasser de toute humanité et de l’histoire. Or la paysannerie haïtienne déploie comme partout ailleurs sur la planète une humanité et elle a connu d’immenses mutations ces dernières décennies.
Enfin, et c’est mon dernier point, je ne suis pas les modes et les tendances. Je creuse mon propre chemin. Ce chemin peut m’amener vers l’urbain comme il peut me mener vers les terres intérieures haïtiennes. Je ne vais pas faire exclusivement dans l’urbain simplement pour être au goût du jour et pour prouver que je suis moderne et me faire admettre dans un quelconque cercle ici et ailleurs. A ma connaissance, il existe encore beaucoup de paysans en Haïti. Ils sont même légèrement majoritaires. Et cela fait longtemps qu’on les a enlevés des radars  littéraires. Et ce n’est pas parce qu’on les en a enlevés qu’ils n’existent plus. Je suis une personne et un auteur fondamentalement libre et autonome de ce point de vue. J’écris en fonction de mes interrogations, de mes obsessions sur des thèmes ou de mes questionnements sur la forme. Et c’est cela ma liberté d’écrivain.

« C’est un roman qui se danse, se chante »

Première de couverture du roman
Première de couverture du roman

 

L. N . : L’écriture du roman rappelle beaucoup plus La couleur de l’aube que Guillaume et Nathalie, que ce soit dans l’alternance des voix/voie ou dans le style. Une journaliste de France inter a même dit récemment au sujet de ce roman que « c’est un roman qui se danse, se chante ». Pensez-vous retranscrire ici le chant et la danse des paysans haïtiens qui leur sont si chers ?

Y.L : Je n’ai surtout pas fait dans le folklore. Le monde est beaucoup plus structuré par le religieux qu’on ne l’imagine. Relisez les anthropologues, relisez Critique de la raison politique de Debray. La religion a structuré les systèmes juridiques, matrimoniaux, etc, etc. Même quand on se dit athée, on vit dans un monde structuré par la religion. Et d’ailleurs, le XXIe siècle est en train de le prouver à nouveau de manière douloureuse et sanglante. Pour revenir à Bain de lune, je dirais que comme on prie les dieux en dansant et en chantant dans le vaudou, les chants et les danses sont présents inévitablement. Non point introduits du dehors pour faire authentiques pour les Haïtiens ou exotiques pour le lecteur étranger, mais parce que cela fait partie intégrante de la vie du paysan vaudouisant. On ne peut pas commencer à comprendre sa vision du monde si on n’a pas compris cela. Quelque soit le choix de vie personnel de chacun, force est de constater que cette structure imprègne la société dans son ensemble (les récents événements politiques autour du Conseil électoral en Haïti le prouvent), n’en déplaise aux urbains qui veulent se faire plus urbains qu’ils ne le sont ou qui veulent se montrer civilisés ou même chez ceux qui se réfugient dans d’autres cultes pour se fuir eux-mêmes souvent. On peut feindre de ne pas comprendre ou se prendre pour un autre et perpétuer l’éternel dialogue de sourds. Ceci dit, je ne fais l’apologie d’aucune religion. C’est son inscription dans une société qui m’intéresse.

L.N : Vous avez suivi dans ce roman trois générations de Mésidor et de Lafleur, qui, d’une part, symbolisent la force et, d’autre part, la faiblesse. Vous semblez passer au crible les rapports sociaux entre les paysans…

YL : Ce roman est tout sauf manichéen. Il se développe dans le clair-obscur et dans les zones grises comme j’aime faire ces interstices où se joue à mes yeux l’essentiel. C’est ce que précisément nous n’aimons pas faire en général et particulièrement en Haïti où nous cultivons l’angélisme ou la diabolisation. Les rapports entre les bourreaux et les victimes sont très complexes. Et c’est parce qu’ils le sont que les rapports féodaux sont ce qu’ils sont et durent, que les populismes de droite comme de gauche ont de beaux jours devant eux. La précarité oblige toujours à des stratégies de survie. Et nous sommes dans un pays de précarité généralisée. Il est évidemment plus facile de poser des paroles péremptoires sur le monde et les gens. Mais la littérature est pour moi l’espace de déploiement de la complexité par excellence. Où peuvent se poser les questions dérangeantes. Et puis,  j’ai avant tout écrit un roman avec une intrigue qui commence à la première page et ne se dénouera qu’à la fin, des personnages qui intègrent la milice de  Duvalier, des jeunes révolutionnaires « kamoken » des années 68-70 qui vont se heurter à un mur culturel, un prêtre breton qui est loin d’une image réductrice, des prêtres de la petite église vers les années 80. J’ai tenté de rendre des rapports homme-femme où nous sommes très loin aussi d’un pastoral Roméo et Juliette parce que les choses ne se passent pas de manière pastorale dans ce monde-là ni dans le monde urbain d’ailleurs. Il y a entre autres tout un fantasme du pied et de la chaussure qui traverse le roman. J’ai pris un immense plaisir à écrire certains passages, d’autres ont été des obstacles que j’ai cru infranchissables et qui m’ont donné du mal et que j’ai franchis. Et puis, il y a tout un travail sur le temps et la construction de ce roman. Je n’en dirai pas davantage. Je traverse un siècle mais pas toujours de manière chronologique.

« J’ai la chance d’écrire ce texte après Saint-Amand, Roumain ou Cinéas »

LN : Ce qu’il faut signaler également dans ce roman est l’instance narrative. Jusque-là, vous avez fait des romans à la troisième et à la première personne. Mais dans ce roman, on est surpris de voir que c’est un « nous » qui raconte : les Lafleur. Est-ce là une certaine forme épique du roman qui raconte non point l’histoire d’un individu mais celle d’une famille, d’un peuple…

YL : C’est une voix collective, un « nous » qui d’ailleurs se déplace. N’est pas toujours le même nous. Mais il réfère à la collectivité, au monde « holiste » qui caractérise les sociétés traditionnelles et qui prime sur les individus, comme diraient les sociologues comme Louis Dumont ou anthropologues. Contrairement à Roumain ou Saint-Amand, j’ai tenté de regarder ce monde de l’intérieur. C’est ce monde-là qui parle et qui voit et qui pose son regard sur son entour et sur nous. Et la voix de la jeune fille qui dit « je» est déjà une voix qui veut s’individualiser et précisément devenir une urbaine moderne. J’ai la chance d’écrire ce texte après Saint-Amand, Roumain ou Cinéas et d’avoir pu profiter des immenses acquis en anthropologie, en sociologie,  en histoire et des mutations de la société haïtienne elle-même, pour pouvoir effectuer ce passage de point de vue. Frankétienne avait brillamment apporté un éclairage dans Dezafi. Je suis certaine que d’autres après moi trouveront aussi leur voie et feront autre chose, du neuf.

L.N : Pour finir, Yanick, vous êtes parmi les rares écrivains haïtiens présents à la rentrée littéraire en France cette année. Quelles sont donc vos attentes ?

J’ai pris des risques en écrivant ce roman. J’aime en prendre d’ailleurs dans tous mes romans. J’étais néanmoins traversée de doutes. Mais je sentais que plus j’allais vers ces terres intérieures haïtiennes, plus je pouvais parler aux lecteurs et lectrices de choses qui relèvent de l’universel. Communiquer par Twitter, Facebook ou avoir un IPAD, faire dans la « com » ou du « PR » c’est de l’international et c’est très bien. Mais le fondamental se puise dans l’universel qui demeure les rapports que l’on a avec les éléments : la terre, l’eau, le vent, notre attitude face à la mort, à la violence, nos questions sur le sacré ou l’invisible, les rapports entre hommes et femmes, notre rapport à l’autorité. Et beaucoup de lecteurs non haïtiens l’ont ressenti ainsi et s’y sont retrouvés tout en découvrant une humanité haïtienne qui se déploie dans la dureté de la vie paysanne mais ni dans le cauchemar ni dans la carte postale. J’espère élargir mon lectorat pour que le dialogue avec eux, secret, lointain mais néanmoins intime se renforce. Et quand je dis lectorat je pense évidemment à mon lectorat, en Haïti comme à mon lectorat ailleurs.

Propos recueillis par Wébert Charles


Il y a 50 ans, Jean-Paul Sartre refusait le Prix Nobel de littérature

Le 22 octobre 1964, l’Académie suédoise octroie le prix Nobel de littérature à l’éminent écrivain et philosophe français Jean-Paul Sartre. Dans une lettre publiée le lendemain même au journal Le Figaro, il rejette cette distinction pour des raisons qu’il dit « personnelles »  et « objectives ». Retour sur ce premier refus (constant et volontaire) de la plus grande distinction littéraire du monde estimée aujourd’hui à près d’un million d’euros.

Jean Paul Sartre  (c) refletcritique.com
Jean Paul Sartre
(c) refletcritique.com

En 1964, à l’âge de 59 ans, Jean-Paul Sartre était déjà connu à travers l’Europe comme un excellent écrivain, un homme d’action et un penseur rigide. Il avait déjà publié la majeure partie de son œuvre dont « La Nausée »(1938), « L’être et le Néant » (1943), « L’existentialisme est un humanisme » (1945). Et quelques mois avant la remise du prix Nobel pour l’année 1964, le maître à penser de l’existentialisme fait paraître son autobiographie, « Les mots », dans laquelle il fait ses adieux à la littérature.

Dès le début du mois d’octobre de l’année 1964, la rumeur court les rues et salons de Paris, voire même de toute l’Europe, que Jean-Paul Sartre allait sans doute recevoir le Prix Nobel dans quelques jours. Ayant entendu et soupesé le poids de cette rumeur, Jean-Paul Sartre écrit une lettre au secrétaire général de l’Académie suédoise dans laquelle il dit qu’il regretterait de ne pas pouvoir et vouloir recevoir ce prix si jamais on le lui décerne, « ni en 1964, ni plus tard ».  Le 22 octobre 1964, l’Académie suédoise a quand même rendu public le résultat du Prix Nobel de littérature qui fait de Jean-Paul Sartre le 60e lauréat de ce prix. Dans une lettre parue dans Le Figaro, le lendemain de l’annonce du prix, l’auteur de « La Nausée » s’explique sur ce refus. Selon lui, ce refus est d’ordre personnel et objectif : « Mon refus n’est pas un acte improvisé. J’ai toujours décliné les distinctions officielles. Lorsque, après la guerre, en 1945, on m’a proposé la Légion d’Honneur, j’ai refusé bien que j’ai eu des amis au gouvernement. De même, je n’ai jamais désiré entrer au Collège de France comme me l’ont suggéré quelques-uns de mes amis […] Ce n’est pas la même chose si je signe Jean-Paul Sartre ou si je signe Jean-Paul Sartre Prix Nobel. L’écrivain doit donc refuser de se laisser transformer en institution… ».

Jean-Paul Sartre avait aussi horreur de la consécration de l’écrivain de son vivant. « J’ai refusé le prix Nobel parce que je refusais que l’on consacre Sartre avant sa mort », affirmera-t-il plus tard dans une interview accordée au journaliste Florian Bernadat. Nul écrivain vivant ne mérite cet honneur, poursuit Sartre, parce qu’il peut changer de vie, de position idéologique, à tout moment. Il resterait quand même récipiendaire de cette distinction.

A l’ère de la véritable course aux prix littéraires, à l’occasion de cette saison de prix en Europe qui consacre un écrivain ou son œuvre, à l’ère de l’institutionnalisation de l’écrivain, un retour à Jean-Paul Sartre est donc nécessaire. Cinquante ans plus tard, que valent les prix littéraires ?


Yanick Lahens dans les premières sélections du Prix Fémina

Le dernier roman de Yanick Lahens, « Bain de lune », publié en France le 11 septembre 2014 et déjà disponible en librairie en Haïti, est en lice pour le prestigieux prix Fémina.

Yanick Lahens (c) Dieulermesson PETIT FRERE
Yanick Lahens
(c) Dieulermesson PETIT FRERE

La première sélection très attendue du Prix Fémina a été dévoilée ce mercredi 17 septembre 2014, succédant ainsi aux sélections du Goncourt, du Renaudot et du Médicis. Treize romans français et quatorze romans étrangers sont en lice pour ce prix décerné tous les ans à un écrivain depuis 1904. Si des romans déjà sélectionnés par le jury du Goncourt, du Renaudot et du Médicis y figurent également, dont celui d’Eric Vuillard (Tristesse de la terre), de Laurent Mauvignier (Autour du monde), il faut également signaler la présence de nouvelles têtes comme Luc Lang (L’autoroute) et Yanick Lahens (Bain de lune).

Ce dernier roman de Yanick Lahens paru chez son éditrice française Sabine Wespieser met en scène des paysans d’Anse Bleu, divisés en deux familles : les Mésidor et les Lafleur, que l’auteure suit depuis trois générations. Il existe un énorme conflit silencieux entre Les Mésidor (les grands propriétaires) et les Lafleur (les déshérités, les victimes) qui perdure jusqu’à la troisième génération des Lafleur. Cependant, malgré sa haine et son admiration pour Tertulien Mésidor, Olmène Dorival (descendante des  Lafleur) ne peut s’empêcher de sentir monter en lui le regard brûlant de cet homme fort… Un livre soigneusement bien écrit, qui rappelle « La couleur de l’aube » (2009) ou une nouvelle publiée sous le même titre quinze ans plus tôt dans le recueil de nouvelles « La petite corruption » (1999). Deux instances narratives : un « je », complice du monde, et un « nous » épique, racontent les rumeurs, les on-dit mais aussi les cris étouffés des Lafleur. C’est tout une famille qui raconte l’histoire, d’une seule voix. Un roman qui peut bien se trouver dans la lignée des grands romans paysans haïtiens comme « Gouverneurs de la rosée » de Roumain, « Les Arbres musiciens » d’Alexis ou encore « Bon Dieu rit » de Saint-Amand.

Une deuxième sélection du prix Fémina sera rendue publique le jeudi 9 octobre 2014. Le prix distinguera le lundi 3 novembre prochain un roman français et un roman étranger. A rappeler que la dernière lauréate du Prix Fémina est la romancière camerounaise Léonora Miano pour son roman « La saison de l’ombre » paru chez Grasset en 2013.

La première sélection du Fémina 2014

Romans français par ordre alphabétique du nom de l’auteur :

Yves Bichet, L’homme qui marche (Mercure de France)
Gérard de Cortanze, L’an prochain à Grenade (Albin Michel)
Julia Deck, Le triangle d’hiver (Minuit)
Isabelle Desesquelles, Les hommes meurent, les femmes vieillissent (Belfond)
Claudie Hunzinger, La langue des oiseaux (Grasset)
Fabienne Jacob, Mon âge (Gallimard)
Marie-Hélène Lafon, Joseph (Buchet-Chastel)
Yanick Lahens, Bain de lune (Sabine Wespieser)
Luc Lang, L’autoroute (Stock)
Laurent Mauvignier, Autour du monde (Minuit)
Antoine Volodine, Terminus radieux (Seuil)
Eric Vuillard, Tristesse de la terre (Actes Sud)
Valérie Zenatti, Jacob, Jacob (L’Olivier)

Romans étrangers par ordre alphabétique du nom de l’auteur :

John Banville, La lumière des étoiles mortes (Robert Laffont)
Sebastian Barry, L’homme provisoire (Gallimard)
Lily Brett, Lola Benski (La Grande Ourse)
Jennifer Clément, Prière pour celles qui furent volées (Flammarion)
Charles Frazier, A l’orée de la nuit (Grasset)
Drago Jancar, Cette nuit je l’ai vue (Phébus)
Nell Leyshon, La couleur du lait (Phébus)
Claire Messud, La femme d’en haut (Gallimard)
Philipp Meyer, Le fils (Albin Michel)
Leonardo Padura, Hérétiques (Métailié)
James Salter, Et rien d’autre (L’Olivier)
Taiye Selasi, Le ravissement des innocents (Gallimard)
Zeruya Shalev, Ce qui reste de nos vies (Gallimard)
Juan Gabriel Vasquez, Les réputations (Seuil)


Gary, « les nouvelles disent que la vie est une catastrophe »

Le poète Gary Augustin, né le 15 janvier 1958, est mort ce mardi 2 septembre. La rubrique « Besoin de poèmes » vous propose de (re)lire ce poète de corps, de villes, de rues, de songes, mais aussi et surtout de l’altérité, de l’amour et de la purification.

Gary Augustin Dany WebertDe gauche à droite : Wébert Charles, Dany Laferrière et Gary Augustin

 

Gary, tu as beau entendre des discours sur ton œuvre. Des critiques qui te collent toutes les étiquettes que tu as toujours refusées : délabrement, économie des figures. Au fait, tu n’étais jamais dans ces termes. Tu n’étais qu’un poète qui a appris à vieillir plus vite que le temps, parce que tu avais « trop tôt […] mordu aux fruits solaires » (Questions) et trop tard découvert que « la vie est une catastrophe » (Purification). Et tu savais que tu étais un « homme de peu de jour » (Le bonheur inventé). Mais moi, je préfère te parler à toi, comme tu le faisais dans tes poèmes. Car c’est en parlant aux autres que l’on finit par parler de soi, se parler à soi. Tes poèmes sont de courts dialogues, de toi à toi, et à l’autre. Cet autre jamais le même, puisque tu étais toi-même ambivalent, insaisissable.

Des vers d’amour qui disent que tu souffrais, mais que tu voulais malgré tout garder en toi la pureté, comme une dernière chance pour réussir sa chute. Plonger ineffablement dans le vaste brasier des douleurs.

Cracher mon désarroi
Comme une flaque
Sur le pavé

Crier mes peines
Aux ombres de grands arbres
Comme l’automne rend malade
La frondaison

Je veux de mes douleurs
Faire un brasier
Et m’y jeter
Pour ultime geste
Vers le pur

(Purifier, in « Des villes, des corps et autres songes », Port-au-Prince, Éd. Presses nationales d’Haïti, mars 2012.

 

W.C


Festival national de la poésie à Jérémie : carte blanche à la Bretagne

La 4e édition du Festival national de la poésie à Jérémie aura lieu du 11 au 14 septembre 2014. La cité des poètes accueillera une vingtaine de poètes, parmi eux deux poètes français qui auront à partager le goût de la poésie et de la littérature avec les Jérémiens.

Meredith Le Dez college Jean Monnet

Cette année, la quatrième édition du Festival national de la poésie à Jérémie s’annonce riche. Plus d’une vingtaine de poètes sont invités à prendre part à cette fête qui se déroulera les 11, 12, 13 et 14 septembre sur plusieurs sites de la Grand’Anse, parmi lesquels l’Alliance française de Jérémie, le Foyer culturel Monseigneur Romélus, la place des Trois Dumas, la plage de la commune de Bonbon…

La ville de Jérémie est communément désignée par la périphrase « cité des poètes », pour avoir donné naissance à Etzer Vilaire (grand chantre de la poésie haïtienne du début du XXe siècle), à Edmond Laforest (connu pour ses « Sonnets médaillons »), à Timothée Paret (moins connu que ses pairs, mais auteur de cinq recueils de poèmes), à Robert Lataillade (le jeune poète indigéniste), à Émile Roumer (auteur du fameux poème « Marabout de mon cœur ») et, plus près de nous, à Jean-Claude Fignolé (sans doute, l’écrivain haïtien vivant le plus brillant), Josaphat-Robert Large (l’un des rescapés du mouvement Houngénikon aux côtés de Jean-Max Calvin), à Évains Wêche (l’un des écrivains les plus prometteurs de sa génération) . Tous ces noms cités au hasard continuent à faire croire que poésie et Jérémie riment. C’est sans doute pour renouer avec  cette grande tradition que les organisateurs du festival choisissent de mettre à l’honneur ce genre négligé, en panne de lectorat.

Coup de projecteur sur la littérature de la Bretagne

Le festival reçoit cette année deux écrivains étrangers, tous deux en provenance de la Bretagne, du côté de la côte d’Amor. Meredith Le Dez et Paul Dirmeikis, tous deux organisateurs du festival de poésie de Binic, dont la dernière édition avait mis à l’honneur la ville de Jérémie, sont invités à rencontrer les Jérémiens, à vivre de la fraîcheur de la brise jérémienne, mais aussi et surtout à parler de littérature et d’édition. Éditrice aux éditions MLD et auteure de « Journal d’une guerre » (2013) chez Folle Avoine, Meredith Le Dez prononcera une conférence sur « L’édition en Bretagne » le  samedi 13 septembre 2014 à 10 h a.m. au Centre culturel Monseigneur Willy Romélus. Née en 1973 à Héricourt (Haute-Saône), elle a fait des études de aster professionnel en édition à l’université de Lorient (Bretagne).

Paul Dirmeikis, né en 1954 à Chicago, est pour sa part musicien et également éditeur évoluant en Bretagne. Outre une conférence qu’il prononcera sur « la poésie en Bretagne », il jouera en compagnie de Wooly Saint-Louis Jean. Au programme : conférences de Pierre Raymond Dumas notamment, soirée culturelle, montage de textes, danse, concert sur la place des Trois Dumas… L’ouverture officielle du festival se fera le jeudi 11 septembre 2014, à la salle de conférence du Complexe administratif de Jérémie à Bordes, avenue Émile Roumer.


Traduction, réécriture et plagiat.

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« Toute littérature est traduction », écrit Hubert Nyssen. Traduction d’idées, de sentiments mais aussi de toutes œuvres relevant de la création humaine. Aussi la traduction a-t-elle toujours été un lieu de rapprochement et de médiation entre les littératures du monde. Une forme de refus du chaos babélien. Par contre, doit-on voir la traduction comme une transcription effective de l’œuvre traduite ? Toute traduction, n’est-elle pas condamnée à être réécriture ?

Traduire, réécrire et plagier. Trois thèmes que ce présent numéro de Legs et Littérature tente d’explorer, avec près d’une trentaine de contributions de chercheurs, de traducteurs et d’écrivains… Qui sont les auteurs haïtiens les plus traduits ? Quel est enfin le mot de la critique littéraire sur l’accusation de plagiaire faite à Kettly Mars ? Qu’est-ce qui rapproche Evelyne Trouillot de Marie-Célie Agnant ;Marie Vieux Chauvet de William Faulkner ?

Prix : 16$
250 pages
LEGS ÉDITION

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Wébert Charles


Port-au-Prince : …des maux et des rues

31 mai 2014, le centre-ville de Port au-Prince devient poussière. Les rues de la Réunion, de l’Enterrement et Saint-Honoré sont abattues par les bulldozers ; les marteaux-piqueurs et les démolisseurs improvisés du portail Saint-Joseph. Quatorze écrivains et un historien se souviennent de ces rues et se proposent d’écrire l’histoire du bas de la ville ; de ces lieux devenus sans repères/repaires, pour dire au monde qu’ici les rues avaient une âme. Et que les souvenirs demeurent au-delà de la poussière grise des gravats.

Contributeurs :

Dominique Batraville, Faubert Bolivar, Jean Watson Charles, Wébert Charles, Marc Exavier, Charles Frédo Grand-Pierre, Georges Eddy Lucien, Kettly Mars, Jean-Euphèle Milcé, Dieulermesson Petit Frère, Mirline Pierre, Emmelie Prophète, Marie Alice Théard, Gary Victor, Évains Wêche.

 

Prix : 10€
122 pages
LEGS ÉDITION
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Wébert Charles